Jean-Claude Michéa _ Orwell Anarchiste Tory & Orwell, La Gauche Et La Double Pensée
NOTE :
En 1935, George Orwell se rend à Wigan Pier, dans le Nord de l’Angleterre, dans le dessein de constater les conditions de vie des mineurs des régions industrielles, puis il publie un livre, Le Quai De Wigan, qui rapporte son expérience et provoque la polémique parce qu’il met en relief les raisons de l’échec de la gauche à coaliser les classes laborieuses à la cause socialiste. En 1937, il rejoint les milices du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM), en Espagne, au moyen du Parti travailliste indépendant, subséquemment il signifie son expérience au sein de l’essai Hommage A La Catalogne.
C’est après la guerre civile espagnole qu’il commence à écrire contre le totalitarisme et pour le socialisme démocratique, conséquemment qu’il adhère au Parti travailliste indépendant anglais, en 1938. A la fin des années 1930, il pense que la victoire de la Grande-Bretagne ne peut passer que par la révolution sociale puisque les classes populaires sont de plus en plus mécontentes face aux privations. En réalité, George Orwell s’avère un anarchiste tory, c’est-à-dire un démocrate radical, adepte de l’Etat de droit.
A la source du socialisme de George Orwell se situe le souhait de rompre les liens entre l’illusion religieuse d’un sens de l’Histoire et l’idéal socialiste, le refus de souscrire au mythe moderne du progrès, au reste la dénégation de se laisser contaminer par la conception marxiste qui dit que le progrès moral suivra de lui-même dès que le progrès technique nécessaire sera accompli. En outre, il abhorre l’ordre établi dont l’essence est la contradiction entre la conscience qu’il a de ses propres capacités et l’indifférence que la société capitaliste lui exprime. Au surplus, il semble solidaire avec les valeurs de la culture populaire.
En 1939, George Orwell emploie le mot totalitaire dans le dessein de traduire les moyens de penser l’identité tendancielle des Etats totalitaires et leur différence d’essence avec les démocraties libérales, puis il devient possible de mettre en perspective les mécanismes psychologiques qui sont à la source de la soumission fascinée devant l’État absolu. Au demeurant, il paraît attiré par les langues artificielles comme l’Interglossa, de Lancelot Hogben, et il crée le Novlangue, une langue de bois qui semble un dispositif de sécurité de toute idéologie partidaire. Enfin, il invente The Roundabout method qui est un exercice de formulation qui permet à la littérature de traduire les sensations.
L’essai Orwell Anarchiste Tory & Orwell, La Gauche Et La Double Pensée, de Jean-Claude Michéa, constate avec pertinence que la critique du totalitarisme ne prend tout son sens qu’à travers le prisme de l’idéal socialiste, soit une société libre, égalitaire, en somme décente. D’autre part, il avance de manière savante les écrits politiques de George Orwell qu’il a dédié à la dénonciation de l’injustice ainsi que du non-sens du système capitaliste et qui soutient la cause de ceux qui doivent faire tourner la machine. Enfin, il s’interroge intelligemment sur ce qui rend le socialisme difficile à intégrer au logiciel idéologique de la gauche orthodoxe.
EDITIONS FLAMMARION, 21 euros